Page:Michelet - La femme.djvu/463

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propre à un âge créateur ? Celle qui habitue à créer. Il ne suffit pas de faire appel à l’activité spontanée (Rousseau, Pestalozzi, Jacotot, Fourier, Coignet, Issaurat, etc.), il faut l’aider en lui trouvant son rail, où elle doit glisser. C’est ce qu’a fait le génie de Frœbel. Lorsqu’en janvier dernier son aimable disciple, madame de Marenholz, m’expliqua sa doctrine, je vis, au premier mot, que c’était l’éducation du temps et la vraie. Rousseau fait un Robinson, un solitaire. Fourier veut profiter de l’instinct de singerie, et fait l’enfant imitateur. Jacotot développe l’instinct parleur et discuteur. Frœbel finit le bavardage, proscrit l’imitation. Son éducation n’est ni extérieure ni imposée, mais tirée de l’enfant même ; — ni arbitraire ; l’enfant recommence l’histoire, l’activité créatrice du genre humain. Lire le charmant Manuel de madame de Marenholz (chez Hachette), non pour le suivre servilement, mais pour s’en inspirer. Voir l’école de Paris, chez madame Kœchlin (rue Pépinière, 81).


Note 3. De la justice dans l’amour et du devoir du mari. — Dans un siècle qui semble froid, l’amour n’en a pas moins révélé mille aspects nouveaux de la passion. Jamais il ne jeta des voix plus puissantes, de tels soupirs vers l’infini. Elle vivait encore hier, elle écrivait ses vers brûlants, la muse de l’orage, du sanglot, de l’inextinguible amour (madame Valmore). C’est le grand trait de notre temps, l’amour souffre, pleure, pour une possession profonde, absolue, qu’avant nous on ne désirait et ne comprenait même pas. — À cela a répondu la science par cette adorable révélation : « Tu veux l’unité ? Mais tu l’as. L’échange absolu de la vie, la transhumanation, est le fait du mariage. » Voilà l’amour satisfait ? Pas encore. Ce mélange fatal du sang serait impie, s’il ne s’y joint le libre mélange du cœur. Pour que celui-ci existe, il faut que, par l’éducation (de toute la vie), les amants se créent le fonds d’idées commun, la langue qui leur donnera désir de