Page:Michelet - La femme.djvu/465

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heureux du court plaisir forcé qu’il prend sur la glace et le marbre ? Il n’en emporte que regret. Matérialiste en actes, il a les exigences d’esprit d’un temps très-avancé, qui veut en tout le fonds du fonds ; bref, il voudrait aller à l’âme.

3o Un médecin, excellent mari, me disait : « Dans votre livre, le meilleur, c’est ce qui a fait rire, les soins quasi maternels de l’amour, les servitudes volontaires qui suppriment la femme de chambre. Ce tiers ennuyeux, dangereux, est un mur entre les époux qui rend leurs rapports fortuits. On est chez sa femme en visite, comme chez une maîtresse entretenue. L’avantage du mariage est d’avoir tout le temps, donc les rares moments favorables où une femme, comme elles sont toutes, un peu lente, peut être amenée à l’émotion réelle. Le cœur, la gratitude, y font beaucoup. Elles s’émeuvent plus aisément pour celui qui a su prendre l’intendance des petits mystères et qui les soigne tendrement dans leurs faiblesses de nature. Voulez-vous comprendre la femme, rappelez-vous qu’en histoire naturelle la mue fait la faiblesse, la défaillance des êtres. Terrible dans les espèces inférieures, elle les livre sans défense à leurs ennemis. L’homme, chez qui heureusement elle n’est pas violente, mue constamment de la peau, même de l’épiderme intérieure. Dans sa mue intestinale de chaque jour, il donne beaucoup de lui et se trouve faible. La femme perd bien davantage, ayant de plus la mue vaginale de chaque mois. Elle a ce qu’ont tous les êtres à leurs mues, le besoin de se cacher, mais aussi de s’appuyer. C’est la Mélusine du conte ; la belle fée, qui était souvent par en bas une jolie couleuvre timide, se cachait pour muer. Heureux qui peut rassurer Mélusine, lui donner confiance et se faire sa nourrice ! Et qui le suppléerait ? C’est une profanation d’exposer cette chère personne, craintive (en chose si innocente), aux malices d’une fille indiscrète qui en fera risée. Un tel excès d’intimité doit revenir à celui seul pour qui c’est bonheur et faveur. Faveur qui d’abord coûte, mais peu à peu elle trouve cela très-doux, et ne peut s’en passer. Nature