Page:Michelet - La femme.djvu/52

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jeune employé, qui passe sa vie dans tel ministère à tailler des plumes, ait griffonné à son bureau quelques lignes satiriques, qu’une petite feuille les reçoive, les répande dans l’entr’acte. Animée, encouragée des premiers applaudissements, elle rentre en scène, belle d’espoir… mais ne reconnaît plus la salle. Tout est brisé, le public glacé. On se regarde en riant.

J’étais jeune quand je vis une scène bien forte, dont je suis resté indigné. J’aime à croire que de nos jours les choses ne sont plus ainsi.

Chez un de ces terribles juges que je connaissais, je vois arriver une petite personne, fort simplement mise, d’une figure douce et bonne, fatiguée déjà et un peu fanée. Elle lui dit, sans préface, qu’elle venait lui demander grâce, qu’elle le priait du moins de lui dire pourquoi il ne passait pas un jour sans la cribler, l’accabler. Il répondit hardiment, non pas qu’elle jouait mal, mais qu’elle était impolie, qu’à un premier article assez favorable elle eût dû répondre par un signe de reconnaissance, une marque solide de souvenir. « Hélas ! monsieur, je suis si pauvre ! je ne gagne presque rien, et je dois soutenir ma mère. — Peu m’importe ! ayez un amant… — Mais je ne suis pas jolie. Et d’ailleurs je suis si triste… On n’aime que les femmes gaies… — Non, vous ne m’en ferez pas accroire. Vous êtes jolie,