Page:Michelet - La femme.djvu/60

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M. le docteur Béraud, chirurgien des hôpitaux, ex-prosecteur de Clamart, jeune encore, mais si connu par le beau traité de physiologie qu’il a fait avec notre illustre Robin, voulut bien, dans le cabinet qu’il a à Clamart, disséquer plusieurs enfants sous mes yeux. Il m’avertit sagement que l’étude de l’enfant est utilement éclairée par celle de l’adulte. Me voilà donc, sous ses auspices, lancé dans l’anatomie que je ne connaissais jusque-là que par les planches.

Admirable étude, qui, indépendamment de tant d’utilités pratiques, est au fond toute une morale. Elle trempe le caractère. On n’est homme que par le ferme regard dont on envisage la vie et la mort. Et, ce qui n’est pas moins vrai, quoique moins connu, elle humanise le cœur, non d’un attendrissement de femme, mais en nous éclairant sur une foule de ménagements naturels qu’on doit à l’humanité. Un éminent anatomiste me disait : « C’est un supplice pour moi de voir une porteuse d’eau sous le poids des seaux qui l’accablent et qui lui scient les épaules. Si l’on savait combien chez la femme ces muscles sont délicats, combien les nerfs du mouvement sont faibles, et au contraire si développés ceux de la sensibilité ! »

Mon impression fut analogue, lorsque, ayant vu l’organisme qui fait de l’enfant un être fatalement