Page:Michelet - La femme.djvu/67

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qu’avec de grandes douleurs. Les ouvrières n’en savaient rien et la croyaient paresseuse. Les Parisiennes sont rieuses, elles n’épargnaient pas les risées à la pauvre provinciale. Toutefois, elles avaient bon cœur, et, dans ses embarras, lui prêtaient de leur argent.

Ses tristes robes d’indienne déteinte, que j’ai vues, témoignaient assez que, dans cette extrême misère, elle n’eut aucun recours à ce qui lui restait de beauté. Un tel vêtement vieillit. Il ne laissait nullement deviner combien cette personne était jeune encore, entière. La douleur et les misères maigrissent, mais ne fanent pas comme les excès et les jouissances. Et celle-ci, très-visiblement, avait peu usé des joies de la vie.

La maîtresse qui l’employait à repasser avait eu la charité de lui permettre de coucher dans une grande soupente qui servait d’atelier, lieu fortement imprégné des vapeurs du charbon, et qui d’ailleurs devait le matin être libre pour le travail. Quelque souffrante qu’elle fût, elle ne pouvait rester au lit, même un jour. De bonne heure, les ouvrières arrivaient, se moquaient « de la paresseuse, fainéante et propre à rien. »

Au 1er mars, elle fut plus mal, eut un peu de fièvre, un peu de toux. Ce n’eût été rien si elle avait eu un chez soi. Mais, ne l’ayant pas, il lui fallut