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HISTOIRE DE FRANCE

Port-Royal naissant vise au sec, et j’allais dire au médiocre. Pascal paraîtra dans trente ans.

La couleur est ici très bonne, mais mesurée dans la vérité vraie. Rien de plus, rien de moins. Maître savant entre les maîtres, le bon Philippe s’est cependant tenu tellement à la nature et y est entré si avant, qu’il répond à la fois aux pensées de l’histoire et aux impressions populaires. L’histoire, en ce fantôme à barbe grise, à l’œil gris terne, aux fines mains maigres, reconnaît le petit-fils du prévôt d’Henri III qui brûla Guise, le fourbe de génie qui fit notre vaine balance européenne et l’équilibre entre les morts.

Il vient à vous. On n’est pas rassuré. Ce personnage-là a bien les allures de la vie. Mais, vraiment, est-ce un homme ? Un esprit ? Oui, une intelligence à coup sûr, ferme, nette, dirai-je lumineuse ? ou de lueur sinistre ? S’il faisait quelques pas de plus, nous serions face à face. Je ne m’en soucie point. J’ai peur que cette forte tête n’ait rien du tout dans la poitrine, point de cœur, point d’entrailles. J’en ai trop vu, dans mes procès de sorcellerie, de ces esprits mauvais qui ne veulent point se tenir là-bas, mais reviennent, et remuent le monde.

Que de contrastes en lui ! Si dur, si souple, si entier, si brisé ! Par combien de tortures doit-il avoir été pétri, formé et déformé, disons mieux, désarticulé, pour être devenu cette chose éminemment artificielle qui marche sans marcher, qui avance sans qu’il y paraisse et sans faire bruit, comme glissant