Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 14.djvu/291

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LA PESTE 281 dans le costume étrange qu’ils avaient inventé, et qui n’exprimait que trop l’excès de leur peur. Montés sur des patins de bois , couvrant leur bouche et leurs narines, serrés dans une toile cirée, comme des momies égyptiennes, ils étaient effrayants à voir. Ces précautions leur servaient peu ; car, de quarante qu’on envoya de Paris, trente moururent, et l’on n’en renvoya qu’en les chargeant d’argent, avec promesse de pension pour ceux qui survivraient. Dans la fuite générale des fonctionnaires, rien de plus glorieux que la conduite de l’évèque Belzunce et des échevins, deux surtout, Estelle et Moustier. Ces fermes magistrats eux-mêmes , l’épée à la main, menaient les enterreurs dans les maisons des morts et les forçaient de travailler. L’évèque, bon, vaillant, généreux, se multiplia, fut partout pour encourager, soutenir, et avec lui nombre de religieux qui s’immo- lèrent, vrais martyrs de la charité. Belzunce, malheu- reusement, avait plus de courage que de tête. Dans son imitation fidèle de Charles Borromée à la fameuse peste de Milan, il multipliait trop les prédications effrayantes, les lugubres processions. De figure impo- sante, de taille colossale, ce bon géant, dans le fléau public, suivit trop l’instinct théâtral, ici fort dangereux, des populations du Midi. Après ceux qui firent leur devoir, mais bien au-dessus d’eux, nommons les volontaires, ceux que rien n’obligeait d’agir. Les oratoriens, ennemis de la Bulle Unigenitus, étaient interdits par l’évèque que menaient les