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TABLEAU DE LA FRANCE

que l’animal monte dans l’échelle[1]. » Les nations peuvent se classer comme les animaux. La jouissance commune d’un grand nombre de parties, la solidarité de ces parties entre elles, la réciprocité de fonctions qu’elles exercent l’une à l’égard de l’autre, c’est là la supériorité sociale. C’est celle de la France, le pays du monde où la nationalité, où la personnalité nationale, se rapproche le plus de la personnalité individuelle.

Diminuer, sans la détruire, la vie locale, particulière, au profit de la vie générale et commune, c’est le problème de la sociabilité humaine. Le genre humain approche chaque jour plus près de la solution de ce problème. La formation des monarchies, des empires, sont les degrés par où il y arrive. L’Empire romain a été un premier pas, le christianisme un second. Charlemagne et les Croisades, Louis XIV et la Révolution, l’Empire français qui en est sorti, voilà de nouveaux progrès dans cette route. Le peuple le mieux centralisé est aussi celui qui, par son exemple et par l’énergie de son action, a le plus avancé la centralisation du monde.

Cette unification de la France, cet anéantissement de l’esprit provincial est considéré fréquemment comme le simple résultat de la conquête des provinces. La conquête peut attacher ensemble, enchaîner des partis hostiles, mais jamais les unir. La conquête et la guerre n’ont fait qu’ouvrir les provinces aux provinces, elles ont donné aux populations isolées l’occasion de se connaître ; la vive et

  1. Dugès.