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HISTOIRE DE FRANCE

leur origine, ceux de l’Angleterre au temps d’Henri II et de Jean, se reconnurent pour feudataires du saint-siège. Les Normands d’Italie tinrent souvent en respect les empereurs d’Orient et d’Occident. Les Normands d’Angleterre, vassaux formidables du roi de France, l’obligèrent longtemps de se livrer sans réserve aux papes. En même temps, les Capétiens de Bourgogne concouraient aux victoires du Cid, occupaient par mariage le royaume de Castille et fondaient celui de Portugal (1094 ou 1095). De toutes parts l’Église triomphait dans l’Europe par l’épée des Français. En Sicile et en Espagne, en Angleterre et dans l’empire grec, ils avaient commencé ou accompli la croisade contre les ennemis du pape et de la foi.

Toutefois, ces entreprises avaient été trop indépendantes les unes des autres, et aussi trop égoïstes, trop intéressées, pour accomplir le grand but de Grégoire VII et de ses successeurs : l’unité de l’Europe sous le pape, et l’abaissement des deux empires. Pour approcher de ce grand but de l’unité, il fallait que l’Église s’en mêlât, que le christianisme vint au secours. Le monde du onzième siècle avait dans sa diversité un principe commun de vie, la religion ; une forme commune, féodale et guerrière. Une guerre religieuse pouvait seule l’unir ; il ne devait oublier les diversités de races et d’intérêts politiques qui le déchiraient qu’en présence d’une diversité générale et plus grande, si grande qu’en comparaison toute autre s’effaçât. L’Europe ne pouvait se croire une et le devenir qu’en se voyant en face de l’Asie.