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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

et les lança dans l’Asie par la route la plus courte, mais la plus montagneuse, celle de Phrygie et d’Iconium. Là ils eurent occasion d’user leur bouillante ardeur. Ces lourds soldats furent bientôt épuisés dans ces montagnes, sur ces pentes rapides où la cavalerie turque voltigeait, apparaissant tantôt à leur côté et tantôt sur leurs têtes. Ils périrent, à la grande dérision des Grecs, des Français même. Pousse, pousse, Allemand, criaient ceux-ci. C’est un historien grec qui nous a conservé ces deux mots sans les traduire[1].

Les Français eux-mêmes ne furent pas plus heureux. Ils prirent d’abord la longue et facile route des rivages de l’Asie Mineure. Mais à force d’en suivre les sinuosités, ils perdirent patience ; ils s’engagèrent, eux aussi, dans l’intérieur du pays et y éprouvèrent les mêmes désastres. D’abord la tête de l’armée, ayant pris les devants, faillit périr. Chaque jour le roi, bien confessé et administré, se lançait à travers la cavalerie turque[2]. Mais rien n’y faisait. L’armée aurait péri dans ces montagnes sans un chevalier nommé Gilbert, auquel le commandement fut remis comme au plus digne et sur lequel nous ne savons malheureusement aucun détail. Les croisés accusaient de tous leurs maux la perfidie des Grecs, qui leur donnaient de mauvais guides et leur vendaient au poids de l’or les vivres, que Manuel s’était engagé à fournir. L’historien Nicétas

  1. Πούτζη, Αλαμάνε.
  2. Odon de Deuil : « … Et à son retour, il demandait toujours vêpres et complies, faisant toujours de Dieu l’Alpha et l’Oméga de toutes ses œuvres. »