Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
259
LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

l’écouta pas, et le fit primat, au grand scandale du clergé normand.

Depuis les Italiens Lanfranc et Anselme, le siège de Kenterbury avait été occupé par des Normands. Les rois et les barons n’auraient pas osé confier à d’autres cette grande et dangereuse dignité. Les archevêques de Kenterbury n’étaient pas seulement primats d’Angleterre, ils se trouvaient avoir en quelque sorte un caractère politique. Nous les trouvons presque toujours à la tête des résistances nationales, depuis le fameux Dunstan[1], qui abaissa si impitoyablement la royauté anglo-saxonne, jusqu’à Étienne Langton, qui fit signer la Grande Charte au roi Jean. Ces archevêques se trouvaient être particulièrement les gardiens des libertés de Kent, le pays le plus libre de l’Angleterre. Arrêtons-nous un instant sur l’histoire de cette curieuse contrée.

Le pays de Kent, bien plus étendu que le comté qui porte ce nom, embrasse une grande partie de l’Angleterre méridionale. Il est placé en face de la France, à la pointe de la Grande-Bretagne. Il en forme l’avant-garde ; et c’était en effet le privilège des hommes de Kent de former l’avant-garde de l’armée anglaise. Leur pays a dans tous les temps livré la première bataille aux envahisseurs ; c’est le premier à la descente. Là débarquèrent César, puis Hengist, puis Guillaume-le-Conquérant. Là aussi commença l’invasion chrétienne. Kent est une terre sacrée. L’apôtre de l’Angleterre, saint Augustin, y fonda son premier monastère. L’abbé

  1. App. 92.