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INNOCENT III

surprise que le législateur était encore tout entier dans son tombeau.

A qui devait revenir l’honneur de s’asseoir dans le trône de Justinien, et de fonder le nouvel empire ? Le plus digne était le vieux Dandolo. Mais les Vénitiens eux-mêmes s’y opposèrent : il ne leur convenait pas de donner à une famille ce qui était à la république. Pour la gloire de restaurer l’empire, elle les touchait peu ; ce qu’ils voulaient, ces marchands, c’étaient des ports, des entrepôts, une longue chaîne de comptoirs, qui leur assurât toute la route de l’Orient. Ils prirent pour eux les rivages et les îles ; de plus, trois des huit quartiers de Constantinople, avec le titre bizarre de seigneurs d’un quart et demi de l’empire grec[1].

L’empire, réduit à un quart, fut déféré à Beaudoin, comte de Flandre, descendant de Charlemagne et parent du roi de France. Le marquis de Montferrat se contenta du royaume de Macédoine. La plus grande partie de l’empire, celle même qui était échue aux Vénitiens, fut démembrée en fiefs.

Le premier soin du nouvel empereur fut de s’excuser auprès du pape. Celui-ci se trouva embarrassé de son triomphe involontaire. C’était un grand coup porté à l’infaillibilité pontificale, que Dieu eût justifié par le succès une guerre condamnée du saint-siège. L’union des deux Églises, le rapprochement des deux moitiés de la chrétienté, avait été consommé par des hommes frappés de l’interdit. Il ne restait au pape qu’à réformer

  1. Sanuto.