Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/378

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
368
HISTOIRE DE FRANCE

tamment de ces routiers que proscrivait l’Église[1]. Il poussa la guerre sans distinguer les terres laïques ou ecclésiastiques, sans égard au dimanche ou au carême, chassa des évêques et s’entoura d’hérétiques et de juifs[2].

Raymond VI était triomphant sur le Rhône à la tête de son armée, quand il reçut d’Innocent III une lettre terrible qui lui prédisait sa ruine. Le pape exigeait qu’il interrompît la guerre, souscrivît avec ses ennemis un projet de croisade contre ses sujets hérétiques, et ouvrît ses États aux croisés. Raymond refusa d’abord, fut excommunié, et se soumit ; mais il cherchait à éluder l’exécution de ses promesses. Le moine Pierre de Castelnau osa lui reprocher en face ce qu’il appelait sa perfidie ; le prince, peu habitué à de telles paroles, laissa échapper des paroles de colère et de vengeance, des paroles telles peut-être que celles d’Henri II contre Thomas Becket. L’effet fut le même ; le dévouement féodal ne permettait pas que le moindre mot du seigneur tombât sans effet ; ceux qu’il nourrissait à sa table croyaient lui appartenir corps et âme, sans réserve de leur salut éternel. Un chevalier de Raymond joignit Pierre de Castelnau sur le Rhône et le poignarda. L’assassin trouva retraite dans les Pyrénées, auprès du comte de Foix, alors ami du comte de Toulouse, et dont la mère et la sœur étaient hérétiques.

Tel fut le commencement de cette épouvantable

  1. C’était pour la plupart des Aragonais.
  2. App. 114.