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GUERRE DES ALBIGEOIS

Ce fut surtout un an avant sa mort, en 1215, lorsque le comte de Toulouse, le comte de Foix et les autres seigneurs du Midi, vinrent se jeter à ses pieds, lorsqu’il entendit les plaintes, et qu’il vit les larmes ; alors il fut étrangement troublé. Il voulut, dit-on[1], réparer, et ne le put pas. Ses agents ne lui permirent point une restitution qui les ruinait et les condamnait. Ce n’est pas impunément qu’on immole l’humanité à une idée. Le sang versé réclame dans votre propre cœur, il ébranle l’idole à laquelle vous avez sacrifié ; elle vous manque aux jours du doute, elle chancelle, elle pâlit, elle échappe ; la certitude qu’elle laisse, c’est celle du crime accompli pour elle.

Les souhaits ou plutôt les remords d’un vieillard impuissant, s’ils furent exprimés, devaient rester stériles. Ce ne furent ni les Raymond, ni les Montfort qui recueillirent le patrimoine du comte de Toulouse. L’héritier légitime ne le recouvra que pour le céder bientôt. L’usurpateur, avec tout son courage et sa prodigieuse vigueur d’âme, était vaincu dans le cœur, quand une pierre, lancée des murs de Toulouse, vint le délivrer de la vie (1218)[2]. Son fils, Amaury de Montfort, céda au roi de France ses droits sur le Languedoc ;

  1. Chronique languedocienne. App. 117. — Les actes d’Innocent III donnent une idée toute contraire. On peut lire surtout ses deux lettres, jusqu’ici inédites (Archives, Trésor des Chartes, reg. J. xiii-18, folio 32, et cart. J. 430), aux évêques et barons du Midi. Il y manifeste la joie la plus vive pour les résultats de la croisade et de l’extermination de l’hérésie ; bien loin d’encourager le jeune Raymond VII à reprendre son patrimoine, il enjoint aux barons de rester fidèles à Simon de Montfort.
  2. Guill. de Pod. Laur. : « Le comte était malade de fatigue et d’ennui, ruiné par tant de dépenses et épuisé, et ne pouvait guère supporter l’aiguillon