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HISTOIRE DE FRANCE

pût désormais errer sans obstacle. Ils délibérèrent s’ils ne traiteraient pas ainsi toute la Chine septentrionale, s’ils ne rendraient pas cet empire, par l’incendie de cent villes et l’égorgement de plusieurs millions d’hommes, à cette beauté primitive des solitudes du monde naissant. Où ils ne pouvaient détruire les villes sans grand travail, ils se dédommageaient du moins par le massacre des habitants ; témoin ces pyramides de têtes de morts qu’ils firent élever dans la plaine de Bagdad[1].

Toutes les sectes, toutes les religions qui se partageaient l’Asie, avaient également à craindre ces barbares, et nulle chance de les arrêter. Les sunnites et les schyytes, le calife de Bagdad et le calife du Caire, les Assassins, les chrétiens de terre sainte, attendaient le Jugement. Toute dispute allait être finie, toute haine réconciliée ; les Mongols s’en chargeaient. De là, sans doute, ils passeraient en Europe, pour accorder le pape et l’empereur, le roi d’Angleterre et le roi de France. Alors, ils n’auraient plus qu’à faire manger l’avoine à leurs chevaux sur l’autel de Saint-Pierre de Rome, et le règne de l’Antéchrist allait commencer.

Ils avançaient, lents et irrésistibles, comme la vengeance de Dieu ; déjà ils étaient partout présents par l’effroi qu’ils inspiraient. En l’an 1238, les gens de la Frise et du Danemark n’osèrent pas quitter leurs femmes épouvantées pour aller pêcher le hareng selon

  1. Tamerlan, après avoir ruiné Damas de fond en comble, fit frapper des monnaies portant un mot arabe dont le sens était : Destruction.