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LOUIS IX

passèrent les Alpes avec une nombreuse chevalerie. Parvenus à peine dans la Lombardie, le duc de Bavière s’alarma, et laissa le jeune fils des empereurs poursuivre son périlleux voyage, avec trois ou quatre mille hommes d’armes seulement. Quand ils passèrent devant Rome, le pape qu’on en avertit dit seulement : « Laissons aller ces victimes. »

Cependant la petite troupe avait grossi : outre les Gibelins d’Italie, des nobles espagnols réfugiés à Rome avaient pris parti pour lui, comme dans un duel ils auraient tiré l’épée pour le plus faible. Il y avait une grande ardeur dans cette armée. Lorsqu’ils rencontrèrent, derrière le Tagliacozzo, l’armée de Charles d’Anjou, ils passèrent hardiment le fleuve et dispersèrent tout ce qu’ils trouvèrent devant eux. Ils croyaient la victoire gagnée, lorsque Charles, qui, sur l’avis d’un vieux et rusé chevalier, s’était retiré derrière une colline avec ses meilleurs gendarmes, vint tomber sur les vainqueurs fatigués et dispersés. Les Espagnols seuls se rallièrent et furent écrasés.

Corradino était pris, l’héritier légitime, le dernier rejeton de cette race formidable ; grande tentation pour le féroce vainqueur. Il se persuada, sans doute par une interprétation forcée du droit romain, qu’un ennemi vaincu pouvait être traité comme criminel de lèse-majesté ; et d’ailleurs l’ennemi de l’Église n’était-il pas hors de tout droit ? On prétend que le pape le confirma dans ce sentiment et lui écrivit : Vita Corradini mors Caroli[1]. Charles nomma parmi ses créatures

  1. Giannonne.