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HISTOIRE DE FRANCE

souleva l’axe des Pyrénées, quand les monts se fendirent, et que la terre, dans la torture d’un titanique enfantement, poussa contre le ciel la noire et chauve Maladetta. Cependant une main consolante revêtit peu à peu les plaies de la montagne de ces vertes prairies, qui font pâlir celles des Alpes[1]. Les pics s’émoussèrent et s’arrondirent en belles tours ; des masses inférieures vinrent adoucir les pentes abruptes, en retardèrent la rapidité, et formèrent du côté de la France cet escalier colossal dont chaque gradin est un mont[2].

Montons donc, non pas au Vignemale, non pas au Mont-Perdu[3], mais seulement au por de Paillers, où les eaux se partagent entre les deux mers, ou bien entre Bagnères et Barèges, entre le beau et le sublime[4]. Là vous saisirez la fantastique beauté des Pyrénées, ces sites étranges, incompatibles, réunis par une inexplicable féerie[5] ; et cette atmosphère magique, qui

  1. Ramond. « Ces pelouses des hautes montagnes, près de qui la verdure même des vallées inférieures a je ne sais quoi de cru et de faux. » — Laboulinière. « Les eaux des Pyrénées sont pures, et offrent la jolie nuance appelée vert d’eau. — Dralet. « Les rivières des Pyrénées, dans leurs débordements ordinaires, ne déposent pas, comme celles des Alpes, un limon malfaisant, au contraire… »
  2. App. 16.
  3. On sait que le grand poète des Pyrénées, M. Ramond, a cherché le Mont-Perdu pendant dix ans. — « Quelques-uns, dit-il, assuraient que le plus hardi chasseur du pays n’avait atteint la cime du Mont-Perdu qu’à l’aide du diable, qui l’y avait conduit par dix-sept degrés. » — Le Mont-Perdu est la plus haute montagne des Pyrénées françaises, comme le Vignemale est la plus haute des Pyrénées espagnoles.
  4. C’est entre ces deux vallées, sur le plateau appelé la Hourquette des cinq Ours, que le vieil astronome Plantade expira près de son quart de cercle, en s’écriant : « Grand Dieu ! que cela est beau ! »
  5. Ramond. « A peine on pose le pied sur la corniche, que la décoration change, et le bord de la terrasse coupe toute communication entre deux sites incompatibles. De cette ligne, qu’on ne peut aborder sans quitter l’un ou