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HISTOIRE DE FRANCE

l’Europe et de l’Afrique. Roland périt, mais la France a vaincu. Comparez les deux versants : combien le nôtre a l’avantage[1] ! Le versant espagnol, exposé au midi, est tout autrement abrupt, sec et sauvage ; le français, en pente douce, mieux ombragé, couvert de belles prairies, fournit à l’autre une grande partie des bestiaux dont il a besoin. Barcelone vit de nos bœufs[2]. Ce pays de vins et de pâturages est obligé d’acheter nos troupeaux et nos vins. Là, le beau ciel, le doux climat et l’indigence ; ici, la brume et la pluie, mais l’intelligence, la richesse et la liberté. Passez la frontière, comparez nos routes splendides et leurs âpres sentiers[3], ou seulement, regardez ces étrangers aux eaux de Cauterets, couvrant leurs haillons de la dignité du manteau, sombres, dédaigneux de se comparer. Grande et héroïque nation, ne craignez pas que nous insultions à vos misères !

Qui veut voir toutes les races et tous les costumes des Pyrénées, c’est aux foires de Tarbes qu’il doit aller. Il y vient près de dix mille âmes : on s’y rend de plus de vingt lieues. Là, vous trouverez souvent à la fois le bonnet blanc du Bigorre, le brun de Foix, le rouge du Roussillon, quelquefois même le grand chapeau plat

  1. L’Èbre coule à l’est, vers Barcelone ; la Garonne, à l’ouest, vers Toulouse et Bordeaux. Au canal de Louis XIV répond celui de Charles-Quint. C’est toute la ressemblance.
  2. App. 17.
  3. A. Young. « Entre Jonquières et Perpignan, sans passer une ville, une barrière, ou même une muraille, on entre dans un nouveau monde. Des pauvres et misérables routes de la Catalogne, vous passez tout d’un coup sur une noble chaussée, faite avec toute la solidité et la magnificence qui distinguent les grands chemins de France ; au lieu de ravines, il y a des ponts bien bâtis ; ce n’est plus un pays sauvage, désert et pauvre. »