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TABLEAU DE LA FRANCE

sources thermales, du bitume et du baume, c’est une autre Judée. Il ne tenait qu’aux rabbins des écoles juives de Narbonne de se croire dans leur pays. Ils n’avaient pas même à regretter la lèpre asiatique ; nous en avons eu des exemples récents à Carcassonne[1].

C’est que, malgré le cers occidental, auquel Auguste dressa un autel, le vent chaud et lourd d’Afrique pèse sur ce pays. Les plaies aux jambes ne guérissent guère à Narbonne[2]. La plupart de ces villes sombres, dans les plus belles situations du monde, ont autour d’elles des plaines insalubres : Albi, Lodève, Agde la noire[3], à côté de son cratère. Montpellier, héritière de feu Maguelone, dont les ruines sont à côté ; Montpellier, qui voit à son choix les Pyrénées, les Cévennes, les Alpes même, a près d’elle et sous elle une terre malsaine, couverte de fleurs, tout aromatique et comme profondément médicamentée ; ville de médecine, de parfums et de vert-de-gris[4].

C’est une bien vieille terre que ce Languedoc. Vous y trouvez partout les ruines sous les ruines ; les Camisards sur les Albigeois, les Sarrasins sur les Goths,

  1. Trouvé.
  2. Selon le même auteur, il en est de même des plaies à la tête à Bordeaux. — Le cers et l’autan dominent alternativement en Languedoc. Le cers (cyrch, impétuosité, en gallois) est le vent d’ouest, violent, mais salubre. — L’autan est le vent du sud-est, le vent d’Afrique, lourd et putréfiant. App. 20.
  3. Proverbe : Agde, ville noire, caverne de voleurs. Elle est bâtie de laves. Lodève est noire aussi.
  4. Montpellier est célèbre par ses distilleries et parfumeries. On attribue la découverte de l’eau-de-vie à Arnaud de Villeneuve, qui créa les parfumeries dans cette ville. — Autrefois Montpellier fabriquait seule le vert-de-gris ; on croyait que les caves de Montpellier y étaient seules propres.