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APPENDICE

« Quand l’archevêque eut parlé, vint un grand clerc appelé maître Théodise, lequel dit et montra au saint-père tout le contraire de ce que lui avait dit l’archevêque de Narbonne. « Tu sais bien, seigneur, lui dit-il, et es averti des très grandes peines que le comte de Montfort et le légat ont prises nuit et jour avec grand danger de leurs personnes, pour réduire et changer le pays des princes dont on a parlé, lequel était tout plein d’hérétiques. Ainsi, seigneur, tu sais bien que maintenant le comte de Montfort et ton légat ont balayé et détruit lesdits hérétiques, et pris en leurs mains le pays ; ce qu’ils ont fait avec grand travail et peine, ainsi que chacun le peut bien voir ; et maintenant que ceux-ci viennent à toi, tu ne peux rien faire ni user de rigueur contre ton légat. Le comte de Montfort a bon droit et bonne cause pour prendre leurs terres ; et si tu les lui ôtais maintenant, tu lui ferais grand tort ; car nuit et jour le comte de Montfort se travaille pour l’Église et pour ses droits, ainsi qu’on te l’a dit. »

« Le saint-père ayant ouï et écouté chacun des deux partis, répondit à maître Théodise et à ceux de sa compagnie qu’il savait bien tout le contraire de leur dire, car il avait été bien informé que le légat détruisait les bons et les justes, et laissait les méchants sans punition, et grandes étaient les plaintes qui chaque jour lui venaient de toutes parts contre le légat et le comte de Montfort. Tous ceux donc qui tenaient le parti du légat et du comte de Montfort se réunirent et vinrent devant le saint-père lui dire et le prier qu’il voulût laisser au comte de Montfort, puisqu’il les avait conquis, les pays de Bigorre, Carcassonne, Toulouse, Agen, Quercy, Albigeois, Foix et Comminges : « Et s’il arrive seigneur, lui dirent-ils, que tu lui veuilles ôter lesdits pays et terres, nous te jurons et promettons que tous nous l’aiderons et secourrons envers et contre tous. »

« Quand ils eurent ainsi parlé, le saint-père leur dit et répondit que, ni pour eux, ni pour aucune chose qu’ils lui eussent dite, il ne ferait rien de ce qu’ils voulaient, et qu’homme au monde ne serait dépouillé par lui ; car, en pensant que la chose fût ainsi qu’ils le disaient, et que le comte Ramon eût fait tout ce qu’on a dit et exposé, il ne devrait pas pour cela perdre sa terre et son héritage ; car Dieu a dit de sa bouche « que le père ne payerait pas l’iniquité du fils, ni le fils celle de son père », et il n’est homme qui ose soutenir et maintenir le contraire ; d’un autre côté il était bien informé que le comte de Montfort avait fait mourir à tort et sans cause le vicomte de Béziers pour avoir sa terre : « Car, ainsi que je l’ai reconnu, dit-il, jamais le vicomte de Béziers ne contribua à cette hérésie…