Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
VÊPRES SICILIENNES

se retourne, comme Encelade sous le volcan. Faiblesse, désharmonie incurable d’un peuple de vingt races, sur qui pèse si lourdement une double fatalité d’histoire et de climat.

Tout cela ne paraît que trop bien dans la belle et molle lamentation par laquelle Falcando commence son histoire[1] : « Je voulais, mon ami, maintenant que l’âpre hiver a cédé sous un souffle plus doux, je voulais t’écrire et t’adresser quelque chose d’aimable, comme prémices du printemps. Mais la lugubre nouvelle me fait prévoir de nouveaux orages ; mes chants se changent en pleurs. En vain le ciel sourit, en vain les jardins et les bocages m’inspirent une joie importune, et le concert renouvelé des oiseaux m’engage à reprendre le mien. Je ne puis voir sans larmes la prochaine désolation de ma bonne nourrice, la Sicile… — Lequel embrasseront-ils du joug ou de l’honneur ! Je cherche en silence, et ne sais que choisir… — Je vois que dans le désordre d’un tel moment, nos Sarrasins sont opprimés. Ne vont-ils pas seconder l’ennemi ?… Oh ! si tous, Chrétiens et Sarrasins, s’accordaient pour élire un roi !… — Qu’à l’orient de l’île, nos brigands siciliens combattent les barbares, parmi les feux de l’Etna et les laves, à la bonne heure. Aussi bien c’est une race de feu et de silex. Mais l’intérieur de la Sicile, mais la contrée qu’honore notre belle Palerme, ce serait chose impie, monstrueuse, qu’elle fût souillée de l’aspect des barbares… Je n’espère rien des Apuliens, qui n’aiment

  1. App. 4.