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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

centralisation judiciaire. Le parlement de Toulouse fut supprimé, les appels du Languedoc furent désormais portés à Paris[1] ; les grandes affaires devaient se décider avec plus de calme loin de cette terre passionnée, qui portait la trace de tant de révolutions.

Le parlement a rejeté les prêtres. Il ne tarde pas à agir contre eux. En 1288, le roi défend qu’aucun juif soit arrêté à la réquisition d’un prêtre ou moine, sans qu’on ait informé le sénéchal ou bailli du motif de l’arrestation, et sans qu’on lui ait présenté copie du mandat qui l’ordonne. Il modère la tyrannie religieuse sous laquelle gémissait le Midi : il défend au sénéchal de Carcassonne d’emprisonner qui que ce soit sur la seule demande des inquisiteurs[2]. Sans doute, ces concessions étaient intéressées. Le juif était chose du roi ; l’hérétique son sujet, son taillable, n’eût pu être rançonné par lui, s’il l’eût été par l’inquisition. Ne nous informons pas trop du motif. L’ordonnance paraît honorable à celui qui la signa. On y entrevoit la première lueur de la tolérance et de l’équité religieuses.

La même année 1291, le roi frappa sur l’Église un coup plus hardi. Il limita, ralentit cette terrible puissance d’absorption qui, peu à peu, eût fait passer toutes les terres du royaume aux gens de mainmorte. Morte en effet pour vendre ou donner, la main du prêtre, du moine, était ouverte et vivante pour recevoir et prendre. Il porta à trois, quatre ou six fois la rente, ce que devait payer l’acquéreur ecclésiastique,

  1. Ordonnances.
  2. App. 9.