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HISTOIRE DE FRANCE

roi se faisait recors pour les juifs, afin de partager. L’argent extorqué par de tels moyens coûtait au peuple bien plus qu’il ne rendait au roi.

Il fallait bien passer entre les mains du juif, ne pouvant dépouiller le prêtre. Le juif, le prêtre, avaient seuls de l’argent. Il n’y avait encore ni production de la richesse par l’industrie, ni circulation par le commerce. La richesse, c’était le trésor ; trésor caché du juif, sourdement nourri par l’usure ; trésor du prêtre, trop visible dans les églises, dans les biens d’Église.

La tentation était forte pour Charles V, mais la difficulté était grande aussi. Les prêtres avaient été ses plus zélés auxiliaires contre l’Anglais. Ils lui avaient en grande partie livré l’Aquitaine, comme ils la donnèrent jadis à Clovis.

Il y avait deux sujets de querelle entre la puissance spirituelle et la temporelle, l’argent et la juridiction. La question de juridiction elle-même rentrait en grande partie dans celle d’argent, car la justice se payait[1].

Les premières plaintes contre le clergé partent des seigneurs et non des rois (1205)[2]. Les seigneurs, comme fondateurs et patrons des églises, étaient bien plus directement intéressés dans la question. Sous saint Louis, ils forment une confédération contre le clergé, décident de combien chacun doit contribuer pour soutenir cette espèce de guerre, se nomment des représentants pour prêter main forte à ceux d’entre

  1. Le défenseur officiel du clergé, en 1329, nous dit expressément que la justice, surtout en France, était le revenu le plus net de l’Église.
  2. Libertés de l’Église gallicane.