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HISTOIRE DE FRANCE

sons appendus aux murailles ; en vain ils auraient cherché les familles des barons de la croisade qui suivirent Godefroi ou Louis-le-Jeune ; la plupart étaient éteintes. Qu’étaient devenus les grands fiefs souverains des ducs de Normandie, rois d’Angleterre, des comtes d’Anjou, rois de Jérusalem, des comtes de Toulouse et de Poitiers ? On en aurait trouvé les armes à grand’peine, rétrécies qu’elles étaient ou effacées par les fleurs de lis dans les quarante-six écussons royaux. En récompense, un peuple de noblesse avait surgi avec un chaos de douteux blasons. Simples autrefois comme emblèmes des fiefs, mais devenus alors les insignes des familles, ces blasons allaient s’embrouillant de mariages, d’héritages, de généalogies vraies ou fausses. Les animaux héraldiques s’étaient prêtés aux plus étranges accouplements. L’ensemble présentait une bizarre mascarade. Les devises, pauvre invention moderne[1], essayaient d’expliquer ces noblesses d’hier.

Tels blasons, telles personnes. Nos morts du douzième siècle n’auraient pas vu sans humiliation, que dis-je ! sans horreur, leurs successeurs du quatorzième. Grand eût été leur scandale, quand la salle se serait remplie des monstrueux costumes de ce temps, des immorales et fantastiques parures qu’on ne craignait pas de porter. D’abord des hommes-femmes, gracieusement attifés, et traînant mollement des robes de douze aunes ; d’autres se dessinant dans leurs jaquettes de Bohême avec des chausses collantes, mais leurs

  1. Moderne, c’est-à-dire renouvelée alors récemment. Les anciens avaient eu aussi des devises. App. 1.