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L’ANGLETERRE. — AZINCOURT

brave prince avait laissé tous les siens derrière lui, il n’avait pas même vêtu sa cotte d’armes ; au défaut, il prit sa bannière, y fit un trou, y passa la tête, et se jeta à travers les Anglais, qui le tuèrent au moment même.

Restait l’arrière-garde, qui ne tarda pas à se dissiper. Une foule de cavaliers français, démontés, mais relevés par les valets, s’étaient tirés de la bataille et rendus aux Anglais. En ce moment, on vient dire au roi qu’un corps français pille ses bagages, et d’autre part il voit dans l’arrière-garde des Bretons ou Gascons qui faisaient mine de revenir sur lui. Il eut un moment de crainte, surtout voyant les siens embarrassés de tant de prisonniers ; il ordonna à l’instant que chaque homme eût à tuer le sien. Pas un n’obéissait ; ces soldats, sans chausses ni souliers, qui se voyaient en main les plus grands seigneurs de France et croyaient avoir fait fortune, on leur ordonnait de se ruiner… Alors le roi désigna deux cents hommes pour servir de bourreaux. Ce fut, dit l’historien, un spectacle effroyable de voir ces pauvres gens désarmés à qui on venait de donner parole, et qui, de sang-froid furent égorgés, décapités, taillés en pièces !… L’alarme n’était rien. C’étaient des pillards du voisinage, des gens d’Azincourt, qui, malgré le duc de Bourgogne leur maître, avaient profité de l’occasion ; il les en punit sévèrement[1], quoiqu’ils eussent tiré du butin une riche épée pour son fils.

  1. C’est justement de l’historien bourguignon que nous tenons ce détail. (Monstrelet.)