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HENRI V

table d’Armagnac. Elle ne pouvait manquer d’arriver ; il avait mangé ses dernières ressources ; il en était à fondre les châsses des saints[1]. Ses Gascons, n’étant plus payés, disparaissaient peu à peu ; il n’en avait plus que trois mille. Il fallait qu’il employât les bourgeois à faire le guet, ces bourgeois qui le détestaient pour tant de causes, comme Gascon, comme brigand, comme schismatique[2]. Le Bourgeois de Paris dit expressément qu’il croit que cet « Arminac est un diable en fourrure d’homme ».

Le duc de Bourgogne offrait la paix. Les Parisiens crurent un moment l’avoir. Le roi, le dauphin consentaient. Le peuple criait déjà Noël[3]. Le connétable seul s’y opposa ; il sentait bien qu’il n’y avait pas de paix pour lui, que ce serait seulement remettre le roi entre les mains du duc de Bourgogne. Cette joie trompée jeta le peuple dans une rage muette.

Un certain Perrinet Leclerc[4], marchand de fer au Petit-Pont, qui avait été maltraité par les Armagnacs, s’associa quelques mauvais sujets, et prenant les clefs

  1. Il le fit avec ménagement, déclarant que c’était un emprunt, et assignant un revenu pour remplacer les châsses. Néanmoins les moines de Saint-Denis lui déclarèrent que ce serait dans leurs chroniques une tache pour ce règne : « Opprobrium sempiternum… si redigeretur in chronicis… » (Le Religieux.)
  2. Armagnac persévérait dans son attachement au vieux pape du duc d’Orléans, au pape des Pyrénées, à l’Aragonais Pedro de Luna (Benoît XIII), condamné par les conciles de Pise et de Constance. App. 189.
  3. Depuis longtemps, c’était l’unique vœu du peuple : « Vivat, vivat, qui dominari poterit ! dum pax… » (Le Religieux.) — Pendant le massacre de 1418, on criait de même : « Fiat pax ! »
  4. « Jeunes compagnons du moyen estat et de légère volonté, qui autrefois avoient été punis pour leurs démérites. » (Monstrelet.)