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HISTOIRE DE FRANCE

Les plus mécontents ne pouvaient nier, après tout, que cet Anglais ne fût une noble figure de roi et vraiment royale. Il avait la mine haute, l’air froidement orgueilleux, mais il se contraignait assez pour parler honnêtement à chacun, selon sa condition, surtout aux gens d’Église. On remarquait, à sa louange, qu’il n’affirmait jamais avec serment ; il disait seulement : « Impossible » ou bien : « Cela sera[1]. » En général, il parlait peu. Ses réponses étaient brèves « et tranchaient comme rasoir[2]. »

Il était surtout beau à voir, quand on lui apportait de mauvaises nouvelles ; il ne sourcillait pas, c’était la plus superbe égalité d’âme. La violence du caractère, la passion intérieure, ordinairement contenue, perçait plutôt dans les succès ; l’homme parut à Azincourt… Mais au temps où nous sommes il était bien plus haut encore, si haut qu’il n’y a guère de tête d’homme qui n’y eût tourné : roi d’Angleterre et déjà de France, traînant après lui son allié et serviteur le duc de Bourgogne, ses prisonniers le roi d’Écosse, le duc de Bourbon, le frère du duc de Bretagne, enfin les ambassadeurs de tous les princes chrétiens. Ceux du Rhin particulièrement lui faisaient la cour ; ils tendaient la main à l’argent anglais. Les archevêques de Mayence et de Trèves lui avaient rendu hommage, et étaient devenus ses vassaux[3]. Le palatin et autres princes d’Empire, avec toute leur fierté allemande, sollicitaient son arbitrage, et n’étaient pas loin de

  1. « Impossibile est ; vel : Sic fieri oportebit. » (Religieux.)
  2. Chronique de Georges Chastellain. App. 210.
  3. App. 211.