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MORT D’HENRI V ET DE CHARLES VI

laires de malades et de mourants. Cela s’appelait la danse des morts, ou danse macabre[1]. Cette danse plaisait fort aux Anglais, qui l’introduisirent chez nous[2].

On voyait naguère à Bâle[3], on voit encore à Lucerne, à la Chaise-Dieu en Auvergne, une suite de tableaux qui représentent la Mort entrant en danse avec des hommes de tout âge, de tout état, et les entraînant avec elle. Ces danses en peinture furent destinées à reproduire de véritables danses en nature et en action[4]. Elles durent certainement leur origine à quelques-uns des mimes sacrés qu’on jouait dans les églises, aux parvis, aux cimetières, ou même dans les rues aux processions[5]. L’effort des mauvais anges pour entraîner les âmes, tel qu’on le voit partout encore dans les bas-reliefs des églises, en donna sans doute la première idée. Mais, à mesure que le sentiment chrétien alla s’affaiblissant, ce spectacle cessa d’être religieux, il ne rappela aucune pensée de jugement, de salut, ni de résurrection[6], mais devint sèchement moral, durement philosophique et maté-

  1. C’est-à-dire, danse de cimetière. App. 228.
  2. Peut-être y introduisirent-ils aussi la danse aux aveugles, et le tournoi des aveugles : « On meist quatre aveugles tous armez en un parc, chacun ung bâton en sa main, et en ce lieu avoit un fort pourcel lequel ils dévoient avoir s’ils le povoient tuer. Ainsi fut fait, et firent cette bataille si estrange ; car ils se donnèrent tant de grans coups… » (Journal du Bourgeois.)
  3. Ainsi qu’au cimetière de Dresde, à Sainte-Marie de Lubeck, au Temple neuf de Strasbourg, sous les arcades du château de Blois, etc. La plus ancienne peut-être de ces peintures était celle de Minden en Westphalie ; elle était datée de 1383.
  4. L’art vivant, l’art en action, a partout précédé l’art figuré. App. 229.
  5. Ch. Magnin.
  6. App. 230.