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HISTOIRE DE FRANCE

était loin, ce duc ; il fallait l’atteindre chez lui, dans son pauvre et rude pays, à travers les forêts du Mans, de Vitré, de Rennes. Il fallait que les oncles du roi lui amenassent leurs vassaux, c’est-à-dire qu’ils se prêtassent à punir le crime de leurs amis, le leur peut-être[1]. Le roi, ne sachant comment venir à bout de leur répugnance et de leurs lenteurs, alla jusqu’à rendre au duc de Berri le Languedoc qu’il lui avait si justement retiré[2].

Il était languissant, malade d’impatience. Il avait eu une fièvre chaude peu de temps auparavant, et n’était pas trop remis. Il y avait en lui quelque chose d’égaré et comme d’étrange. Ses oncles auraient voulu qu’il se soignât, qu’il se tînt tranquille, qu’il s’abstînt surtout de venir au conseil ; mais ils ne gagnaient rien sur lui. Il monta à cheval malgré eux, et les mena jusqu’au Mans. Là, ils parvinrent encore à le retenir trois semaines. Enfin, se croyant mieux, il n’écouta plus rien et fit déployer son étendard.

C’était le milieu de l’été, les jours brûlants, les lourdes chaleurs d’août. Le roi était enterré dans un habit de velours noir, la tête chargée d’un chaperon écarlate, aussi de velours. Les princes traînaient derrière sournoisement, et le laissaient seul, afin, disaient-ils, de lui faire moins de poussière. Seul, il traversait les ennuyeuses forêts du Maine, de méchants bois

  1. Ils ne tardèrent pas à obtenir la grâce de Craon (13 mars 1395). App. 34.
  2. Nous suivons pas à pas le Religieux de Saint-Denis. Ce grave historien mérite ici d’autant plus d’attention qu’il était lui-même à l’armée et témoin oculaire des événements.