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HISTOIRE DE FRANCE

malades d’ennui, il s’en débarrassa par un coup hardi. Les princes ne demeuraient pas dans la ville d’Avignon, mais de l’autre côté, à Villeneuve, et tous les jours ils passaient le pont du Rhône, pour conférer avec le pape. Un matin, ce pont se trouva brûlé, on ne passait qu’en barque avec danger et lenteur. Le pape assura qu’il allait rétablir le pont[1]. Mais les princes perdirent patience, et laissèrent l’Aragonais maître du champ de bataille. La paix de l’Église fut ajournée pour longtemps.

Les affaires de Turquie, d’Angleterre, ne tournèrent pas mieux.

Le 25 décembre 1396, pendant la nuit de Noël, au milieu des réjouissances de cette grande fête, tous les princes étant chez le roi, un chevalier entra à l’hôtel Saint-Paul, tout botté et en éperons. Il se jeta à genoux devant le roi, et dit qu’il venait de la part du duc de Nevers, prisonnier des Turcs. L’armée tout entière avait péri. De tant de milliers d’hommes, il restait vingt-huit hommes, les plus grands seigneurs, que les Turcs avaient réservés pour les mettre à rançon.

Il n’y a pas lieu de s’en étonner ; la folle présomption des croisés ne pouvait qu’amener un tel désastre. Ils n’avaient pas même voulu croire que les Turcs pussent les attendre. Bajazet était à six lieues, que le maréchal Boucicaut faisait couper les oreilles aux insolents qui prétendaient que cette canaille infidèle osait venir à sa rencontre[2].

  1. Le Religieux.
  2. Idem.