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HISTOIRE DE FRANCE

Dès qu’on sut l’événement, et dans quel péril se trouvait encore le comte de Nevers, le roi de France et le duc de Bourgogne se hâtèrent d’envoyer au cruel sultan de riches présents pour l’apaiser ; un drageoir d’or, des faucons de Norwège, du linge de Reims, des tapisseries d’Arras qui représentaient Alexandre-le-Grand. On rassembla promptement les deux cent mille ducats qu’il exigeait pour rançon. Lui, il envoya aussi des présents au roi de France ; mais c’étaient des dons insolents et dérisoires : une masse de fer, une cotte d’armes de laine à la turque, un tambour et des arcs dont les cordes étaient tissues avec des entrailles humaines[1]. Pour que rien ne manquât à l’outrage, il fit venir ses prisonniers au départ, et, s’adressant au comte de Nevers, il lui dit ces rudes paroles[2] : « Jean, je sais que tu es un grand seigneur en ton pays, et fils d’un grand seigneur. Tu es jeune, tu as long avenir. Il se peut que tu sois confus et chagrin de ce qui t’est advenu lors de ta première chevalerie, et que, pour réparer ton honneur, tu rassembles contre moi une puissante armée. Je pourrais, avant de te délivrer, te faire jurer, sur ta foi et ta loi, que tu n’armeras contre moi ni toi ni tes gens. Mais non, je ne ferai faire ce serment ni à eux ni à toi. Quand tu seras de retour là-bas, arme-toi, si cela te fait plaisir, et viens m’attaquer. Et ce que je te dis, je le dis pour tous les chrétiens que tu voudrais amener. Je suis né pour guerroyer toujours, toujours conquérir. »

  1. App. 43.
  2. « L’Amorath parla au comte de Nevers par la bouche d’un latinier qui transportait la parole. » (Froissart.)