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HISTOIRE DE FRANCE

Mais, si j’étais en péché, la voix ne viendrait pas sans doute... Je voudrais que chacun pût l’entendre comme moi-même... »

Ces paroles rendaient prise aux juges. Après une longue pause, ils revinrent à la charge avec un redoublement de haine, et lui firent coup sur coup les questions qui pouvaient la perdre. Les voix ne lui avaient-elles pas dit de haïr les Bourguignons ?... N’allait-elle pas, dans son enfance, à l’arbre des fées ? etc.. Ils auraient déjà voulu la brûler comme sorcière.

À la cinquième séance, on l’attaqua par un côté délicat, dangereux, celui des apparitions. L’évêque, devenu tout à coup compatissant, mielleux, lui fit faire cette question : « Jehanne, comment vous êtes-vous portée depuis samedi ? — Yous le voyez, dit lu pauvre prisonnière chargée de fers, le mieux que j’ai pu. »

« Jehanne, jeùnez-vous tous les jours de ce carême ? — Cela est-il du procès ? — Oui, vraiment. — Eh ! bien, oui, j’ai toujours jeûné. »

On la pressa alors sur les visions, sur un signe qui aurait apparu au dauphin, sur sainte Catherine et saint Michel. Entre autres questions hostiles et inconvenantes, on lui demanda si, lorsqu’il lui apparaissait, saint Michel était nu ?... À cette vilaine question, elle répliqua, sans comprendre, avec une pureté céleste : « Pensez-vous donc que Notre-Seigneur n’ait pas de quoi le vêtir[1]? »

  1. Interrogatoire du 27 février.