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HISTOIRE DE FRANCE

rettes de munitions, de vivres, de harengs surtout, provision indispensable du carême. Troupes, charrettes, tout le convoi venait à la file ; rien n’était plus facile que de les couper et de les détruire ; le Gascon La Hire, qui était en avant des Français, brûlait de tomber sur eux ; mais il reçut défense expresse du prince qui s’avançait lentement avec le gros de la troupe. Cependant les Anglais avaient pris l’alarme ; Falstoff s’était concentré au milieu de ses charrettes et d’une enceinte de pieux aigus que ces prévoyants Anglais portaient toujours avec eux. À  droite les archers anglais, à gauche les arbalétriers parisiens. Quoi que pût dire le comte de Clermont, la haine emporta ses gens ; les Écossais se jetèrent à bas de cheval pour combattre de plain-pied les Anglais ; les Gascons armagnacs sautèrent sur leurs vieux ennemis, les Parisiens. Mais ceux-ci tinrent ferme. Écossais et Gascons ayant ainsi rompu leurs rangs, les Anglais sortirent de l’enceinte, les poursuivirent et en tuèrent trois ou quatre cents. Le comte de Clermont resta immobile. La Hire était si furieux qu’il revint sur les Anglais dispersés à la poursuite et en tua quelques-uns.

Il fallut rentrer dans Orléans après ce triste combat. Les Orléanais, toujours satiriques[1], l’appelèrent la bataille des harengs ; en effet, les boulets avaient crevé les barils, et la plaine était jonchée de harengs plus que de morts.

  1. Un proverbe, fort répété au seizième siècle, mais je crois appliqué déjà à l’esprit des anciennes écoles d’Orléans, disait : « À Orléans, la glose est pire que le texte. » — On appelait les Orléanais « des guépins ».