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LA PUCELLE D’ORLÉANS

Jacques Darc, et d’Isabelle Romée[1]. Elle eut deux marraines, dont l’une l’appelait Jeanne, l’autre Sibylle.

Le fils aîné avait été nommé Jacques, un autre Pierre. Les pieux parents donnèrent à l’une de leurs filles le nom plus élevé de saint Jean[2].

Tandis que les autres enfants allaient avec le père travailler aux champs ou garder les bêtes, la mère tint Jeanne près d’elle, l’occupant à coudre ou à filer[3]. Elle n’apprit ni à lire ni à écrire ; mais elle sut tout ce que savait sa mère des choses saintes[4]. Elle reçut sa religion, non comme une leçon, une cérémonie, mais dans la forme populaire et naïve d’une belle histoire de veillée, comme la foi simple d’une mère… Ce que nous recevons ainsi avec le sang et le lait, c’est chose vivante, et la vie même…

Nous avons sur la piété de Jeanne un touchant témoignage, celui de son amie d’enfance, de son amie de cœur, Haumette, plus jeune de trois ou quatre

  1. Le nom de Romée était souvent pris au moyen âge par ceux qui avaient fait le pèlerinage de Rome.
  2. Ce prénom est celui d’un grand nombre d’hommes célèbres du moyen âge : Jean de Parme (auteur supposé de l’Évangile éternel), Jean Fidenza (saint Bonaventure), Jean Gerson, Jean Petit, Jean d’Occam, Jean Huss, Jean Calvin, etc. Il semble annoncer dans les familles qui le donnaient à leurs enfants une sorte de tendance mystique. App. 22.
  3. « Interrogée se elle avoit apprins aucun art ou mestier, dist : que oui, et que sa mère lui avoit apprins à cousdre, et qu’elle ne cuidoit point qu’il y eust femme dans Rouen qui lui en sceust apprendre aucune chose. Ne alloit point aux champs garder les brebis ne austres bestes… — Depuis qu’elle a esté grande et qu’elle a eu son entendement, ne les gardoit pas… ; mais de son jeune âge, se elle les gardoit ou non, n’en a pas la mémoire. » (Procès, interrog. des 22 et 24 février 1431.) Le témoignage de Jeanne me paraît devoir être préféré à celui des témoins du second procès, qui d’ailleurs parlent si longtemps après.
  4. « Que autre personne que sa dite mère ne lui apprint sa créance. » (Ibid.)