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LA PUCELLE D’ORLÉANS

d’une mère dénaturée, le salut pouvait bien venir d’une fille. C’est justement ce qu’annonçait une prophétie de Merlin ; cette prophétie, enrichie, modifiée selon les provinces, était devenue toute lorraine dans le pays de Jeanne Darc. C’était une pucelle des Marches de Lorraine qui devait sauver le royaume[1]. La prophétie avait pris probablement cet embellissement par suite du mariage récent de René d’Anjou avec l’héritière du duché de Lorraine, qui, en effet, était très heureux pour la France.

Un jour d’été, jour de jeûne, à midi, Jeanne étant au jardin de son père, tout près de l’église[2], elle vit de ce côté une éblouissante lumière et elle entendit une voix : « Jeanne, sois bonne et sage enfant ; va souvent à l’église. » La pauvre fille eut grand’peur.

Une autre fois, elle entendit encore la voix, vit la clarté, mais dans cette clarté de nobles figures dont l’une avait des ailes et semblait un sage prud’homme. Il lui dit : « Jeanne, va au secours du roi de France, et tu lui rendras son royaume. » Elle répondit, toute tremblante : « Messire, je ne suis qu’une pauvre fille ; je ne saurais chevaucher[3], ni conduire les hommes d’armes. » La voix répliqua : « Tu iras trouver M. de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, et il te fera mener au roi. Sainte Catherine et sainte Marguerite viendront t’assister. » Elle resta stupéfaite et en

  1. Cette Pucelle devait venir du bois chenu ; or il se trouvait un bois appelé ainsi à la porte même du village de Jeanne Darc. App. 23.
  2. Procès, interrog. du 22 février.
  3. Ibid.