Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
LA PUCELLE D’ORLÉANS

animaux et les oiseaux du ciel venaient à elle[1], comme jadis aux Pères du désert, dans la confiance de la paix de Dieu.

Jeanne ne nous a rien dit de ce premier combat qu’elle soutint. Mais il est évident qu’il eut lieu et qu’il dura longtemps, puisqu’il s’écoula cinq années entre sa première vision et sa sortie de la maison paternelle.

Les deux autorités, paternelle et céleste, commandaient des choses contraires. L’une voulait qu’elle restât dans l’obscurité, dans la modestie et le travail ; l’autre qu’elle partît et qu’elle sauvât le royaume. L’ange lui disait de prendre les armes ; le père, rude et honnête paysan, jurait que, si sa fille s’en allait avec les gens de guerre, il la noierait plutôt de ses propres mains[2]. De part ou d’autre, il fallait qu’elle désobéît. Ce fut là sans doute son plus grand combat ; ceux qu’elle soutint contre les Anglais ne devaient être qu’un jeu à côté.

Elle trouva dans sa famille, non pas seulement résistance, mais tentation. On essaya de la marier, dans l’espoir de la ramener aux idées qui semblaient plus raisonnables. Un jeune homme du village prétendit qu’étant petite, elle lui avait promis mariage ; et comme elle le niait, il la fit assigner devant le juge ecclésiastique de Toul. On pensait qu’elle n’oserait se défendre, qu’elle se laisserait plutôt condamner, marier. Au grand étonnement de tout le monde, elle

  1. Journal du Bourgeois.
  2. Procès, interrog. du 12 mars.