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LA PUCELLE D’ORLÉANS

sance religieuse de la jeune fille. Eux-mêmes, ils avaient rajeuni ; ils s’étaient parfaitement oubliés, ils se retrouvaient, comme en leurs belles années, pleins de bonne volonté et d’espoir, tous jeunes comme elle, tous enfants… Avec elle, ils commençaient de tout cœur une nouvelle vie. Où les menait-elle ? peu leur importait. Ils l’auraient suivie, non pas à Orléans, mais tout aussi bien à Jérusalem. Et il ne tenait qu’aux Anglais d’y venir aussi ; dans la lettre qu’elle leur écrivit, elle leur proposait gracieusement de se réunir et de s’en aller tous, Anglais et Français, délivrer le Saint-Sépulcre[1].

La première nuit qu’ils campèrent, elle coucha tout armée, n’ayant point de femmes près d’elle ; mais elle n’était pas encore habituée à cette vie dure ; elle en fut malade[2]. Quant au péril, elle ne savait ce que c’était. Elle voulait qu’on passât du côté du Nord, sur la rive anglaise, à travers les bastilles des Anglais, assurant qu’ils ne bougeraient point. On ne voulut pas l’écouter ; on suivit l’autre rive, de manière à passer deux lieues au-dessus d’Orléans. Dunois vint à la rencontre : « Je vous amène, dit-elle, le meilleur secours qui ait jamais été envoyé à qui que ce soit, le secours du Roi des cieux. Il ne vient pas de moi, mais de Dieu même qui, à la requête de saint Louis et de

  1. « Vous, duc de Bedford, la Pucelle vous prie et vous requiert que vous ne vous faictes mie destruire. Se vous lui faictes raison, encore pourrez-vous venir en sa compagnie, l’où que les Franchois feront le plus bel fait que oncques fut fait pour la Xhrestpienté. » (Lettre de la Pucelle.)
  2. Multum læsa, quia decubuit cum armis. » (Dépos. de Louis de Contes, page de la Pucelle.)