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HISTOIRE DE FRANCE

les deux autres bastilles du midi, celles des Augustins et des Tournelles. Les Augustins furent attaqués à l’instant, attaqués et emportés. Le succès fut dû encore en partie à la Pucelle. Les Français eurent un moment de terreur panique et refluèrent précipitamment vers le pont flottant qu’on avait établi. La Pucelle et La Hire se dégagèrent de la foule, se jetèrent dans des bateaux et vinrent charger les Anglais en flanc.

Restaient les Tournelles. Les vainqueurs passèrent la nuit devant cette bastille. Mais ils obligèrent la Pucelle qui n’avait rien mangé de la journée (c’était vendredi), à repasser la Loire. Cependant le conseil s’était assemblé. On dit le soir à la Pucelle qu’il avait été décidé unanimement que, la ville étant maintenant pleine de vivres, on attendrait un nouveau renfort pour attaquer les Tournelles. Il est difficile de croire que telle fût l’intention sérieuse des chefs ; les Anglais pouvant d’un moment à l’autre être secourus par Falstoff, il y avait le plus grand danger à attendre. Probablement on voulait tromper la Pucelle et lui ôter l’honneur du succès qu’elle avait si puissamment préparé. Elle ne s’y laissa pas prendre.

« Vous avez été en votre conseil, dit-elle, et j’ai été au mien[1]. » Et se tournant vers son chapelain : « Venez demain à la pointe du jour, et ne me quittez pas ; j’aurai beaucoup à faire ; il sortira du sang de mon corps ; je serai blessée au-dessus du sein… »

Le matin, son hôte essaya de la retenir. « Restez,

  1. « Vos fuistis in vestro consilio, et ego in meo. » (Déposition du confesseur de la Pucelle.)