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HISTOIRE DE FRANCE

pas grande résistance[1]. Talbot s’obstina à combattre, croyant peut-être se faire tuer, et ne réussit qu’à se faire prendre. La poursuite fut meurtrière, deux mille Anglais couvrirent la plaine de leurs corps. La Pucelle pleurait à l’aspect de tous ces morts ; elle pleura encore plus en voyant la brutalité du soldat, et comme il traitait les prisonniers qui ne pouvaient se racheter ; l’un d’eux fut frappé si rudement à la tête, qu’il tomba expirant ; la Pucelle n’y tint pas, elle s’élança de cheval, souleva la tête du pauvre homme, lui fit venir un prêtre, le consola, l’aida à mourir[2].

Après cette bataille de Patay (28 ou 29 juin), le moment était venu, ou jamais, de risquer l’expédition de Reims. Les politiques voulaient qu’on restât encore sur la Loire, qu’on s’assurât de Cosne et de La Charité. Ils eurent beau dire cette fois ; les voix timides ne pouvaient plus être écoutées. Chaque jour affluaient des gens de toutes les provinces qui venaient au bruit des miracles de la Pucelle, ne croyaient qu’en elle et, comme elle, avaient hâte de mener le roi à Reims. C’était un irrésistible élan de pèlerinage et de croisade. L’indolent jeune roi lui-même finit par se laisser soulever à cette vague populaire, à cette grande marée qui montait et poussait au nord. Roi, courtisans, politiques, enthousiastes, tous ensemble, de gré ou de force, les fols, les sages, ils partirent. Au départ, ils

  1. Falstoff s’enfuit, comme les autres, et fut dégradé de l’ordre de la Jarretière. Il était grand maître d’hôtel de Bedford. Sa dégradation, dont il fut au reste bientôt relevé, fut probablement un coup porté à Bedford. App. 33.
  2. « Tenendo eum in caput et consolando. » (Déposition de son page, Louis de Contes.)