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HISTOIRE DE FRANCE

La Pucelle, venant alors frapper à la porte du conseil, assura que dans trois jours on pourrait entrer dans la ville. « Nous en attendrions bien six, dit le chancelier, si nous étions sûrs que vous dites vrai. » — « Six ? vous y entrerez demain[1] ! »

Elle prend son étendard ; tout le monde la suit aux fossés ; elle y jette tout ce qu’on trouve, fagots, portes, tables, solives. Et cela allait si vite que les gens de la ville crurent qu’en un moment il n’y aurait plus de fossés. Les Anglais commencèrent à s’éblouir, comme à Orléans ; ils croyaient voir une nuée de papillons blancs qui voltigeaient autour du magique étendard. Les bourgeois, de leur côté, avaient grand’peur, se souvenant que c’était à Troyes que s’était conclu le traité qui déshéritait Charles VII ; ils craignaient qu’on ne fît un exemple de leur ville ; ils se réfugiaient déjà aux églises ; ils criaient qu’il fallait se rendre. Les gens de guerre ne demandaient pas mieux. Ils parlementèrent et obtinrent de s’en aller avec tout ce qu’ils avaient.

Ce qu’ils avaient, c’était surtout des prisonniers, des Français. Les conseillers de Charles VII qui dressèrent la capitulation n’avaient rien stipulé pour ces malheureux. La Pucelle y songea seule. Quand les Anglais sortirent avec leurs prisonniers garrottés, elle se mit aux portes, et s’écria : « Ô mon Dieu ! ils ne les emmèneront pas ! » Elle les retint en effet, et le roi paya leur rançon.

  1. Déposition de Simon Charles.