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INTRODUCTION 21

plus rien à la forte et croyante époque dont ils délayent les ouvrages. Ils sont plus étrangers que nous à la vie des temps héroïques. Ils n’ont ni le temps ni le goût de connaître et d’étudier ces mœurs d’un âge voisin, mais complètement oublié. Ils prennent sans difficulté des noms de lieux pour des noms d’hommes, etc., etc.

Étrange illusion ! l’auréole de saint Louis suffit pour illuminer la France d’alors de sainteté et jette sur ce temps, déjà moderne, un faux reflet du Moyen-âge.

J’ai dit (tome III) à quel point le monde s’était oublié. Oublié naturellement, de lui-même et par le temps, par la négligence ? Oh ! non. On ne dira jamais, dans la vérité, la pénétrante blessure qui fendit le cœur de l’homme vers 1200, lui rompit sa tradition, brisa sa personnalité et le sépara si bien de lui-même que, si l’on parvient à lui retrouver quelque image de ce qu’il fut, il a beau y regarder, il dit : « Quel est cet hommelà ? »

§ V. — Des abdications successives de l’indépendance humaine,
du douzième au quinzième siècle.

(( L’esclavage, dit l’antiquité dans sa simplicité tragique, c’est une forme de la mort. » Voilà une position nette, qui ne donne rien à l’équivoque ni à la moquerie ; l’esclave n’est point un être ridicule ni méprisable ; c’est la victime du destin, qui a perdu ses dieux et sa cité, qui n’est plus comme citoyen. Il est mort, mais peut rester grand et s’appeler l’esclave Épictète.

Le servage est un état absurde et contradictoire.