Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/138

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Mais la Bastille ! la Bastille ! c’était un vieux serviteur que ne pouvait maltraiter à la légère la vieille monarchie. C’était un système de terreur, c’était, comme dit Tacite : Instrumentum regni.

Quand le comte d’Artois et la reine, voulant faire jouer Figaro, le lui lurent, il dit seulement, comme objection sans réponse : « Il faudrait donc alors que l’on supprimât la Bastille ! »

Quand la révolution de Paris eut lieu, en juillet 1789, le roi, assez insouciant, parut en prendre son parti. Mais, quand on lui dit que la municipalité parisienne avait ordonné la démolition de la Bastille, ce fut pour lui comme un coup à la poitrine : « Ah ! dit-il, voici qui est fort ! »

Il ne pouvait pas bien recevoir, en 1781, une requête qui compromettait la Bastille. Il repoussa celle que Rohan lui présentait pour Latude. Des femmes de haut rang insistèrent. Il fit alors consciencieusement une étude de l’affaire, lut tous les papiers ; il n’y en avait guère d’autres que ceux de la police, ceux des gens intéressés à garder la victime en prison jusqu’à la mort. Il répondit définitivement que c’était un homme dangereux ; qu’il ne pouvait lui rendre la liberté jamais.

Jamais ! tout autre en fût resté là. Eh bien, ce qui ne se fait pas par le roi se fera malgré le roi. Mme Legros persiste. Elle est accueillie des Condé, toujours mécontents et grondeurs ; accueillie du jeune duc d’Orléans, de sa sensible épouse, la fille du bon Penthièvre, accueillie des philosophes, de M. le mar-