Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/352

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personnelle et répondirent vivement que ceux que l’on désignait sacrifieraient tout.

L’enthousiasme gagna. M. de Beauharnais proposa que les peines fussent désormais les mêmes pour tous, nobles et roturiers, les emplois ouverts à tous. Quelqu’un demanda la justice gratuite ; un autre, l’abolition des justices seigneuriales, dont les agents inférieurs sont le fléau des campagnes.

M. de Custine dit que les conditions de rachat proposées par le duc d’Aiguillon étaient difficiles, qu’il fallait aplanir la chose, venir en aide au paysan.

M. de La Rochefoucauld, étendant la bienveillance de la France au genre humain, demanda des adoucissements pour l’esclavage des noirs.

Jamais le caractère français n’éclata d’une manière plus touchante, dans sa sensibilité facile, sa vivacité, son entraînement généreux. Ces hommes qui mettaient tant de temps, tant de pesanteur à discuter la Déclaration des droits, à compter, peser les syllabes, dès qu’on fit appel à leur désintéressement, répondirent sans hésitation ; ils mirent l’argent sous les pieds, les droits honorifiques même qu’ils aimaient plus que l’argent… Grand exemple que la noblesse expirante a légué à notre aristocratie bourgeoise !

Parmi l’enthousiasme et l’attendrissement, il y avait aussi une fière insouciance, la vivacité d’un noble joueur qui prend plaisir à jeter l’or. Tous ces sacrifices se faisaient par des riches et par des