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ses meneurs qui le laissaient mourir de faim ? L’excès des misères devait le calmer, le mater, l’abattre. On s’attendait, d’un jour à l’autre, à le voir redemander l’Ancien-Régime, le bon temps, prier le roi de reprendre l’autorité absolue.

« Vous aviez du pain sous le roi ; maintenant que vous avez douze cents rois, allez leur en demander ! » Ce mot, qu’on prête à un ministre d’alors[1], qu’il ait été dit ou non, était la pensée de la cour.

Cette politique n’était que trop bien servie par le triste état de Paris. C’est un fait terrible et certain que, dans cette ville de huit cent mille âmes, il n’y eut aucune autorité publique, trois mois durant, de juillet en octobre.

Point de pouvoir municipal. Cette autorité primitive, élémentaire, des sociétés, était comme dissoute. Les soixante districts discutaient et ne faisaient rien. Leurs représentants à l’Hôtel de Ville n’agissaient pas davantage. Seulement ils entravaient le maire, empêchaient Bailly d’agir. Celui-ci, homme de cabinet, naguère astronome, académicien, nullement préparé à son nouveau rôle, restait toujours enfermé au bureau des subsistances, inquiet, ne sachant jamais s’il pourrait nourrir Paris.

Point de police. Elle était dans les mains impuissantes de Bailly. Le lieutenant de police avait donné sa démission et n’était pas remplacé.

Point de justice. La vieille justice criminelle se

  1. Voir l’article Saint-Priest, dans la Biographie Michaud, visiblement écrit sur les renseignements de sa famille, partial, mais curieux.