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temps, deux graves et tristes symptômes d’un mal intérieur. Qu’il permette à un ami, à un solitaire, de lui dire toute sa pensée.

Une main perfide, odieuse, la main de la Mort, s’est offerte à lui, avancée vers lui, et il n’a point retiré la sienne. Il a cru que les ennemis de la liberté religieuse pouvaient devenir les amis de la liberté politique. Vaines distinctions scolastiques, qui lui ont troublé la vue. Liberté, c’est Liberté.

Et pour plaire à l’ennemi, il a renié l’ami… Que dis-je ? son propre père, le grand dix-huitième siècle. Il a oublié que ce siècle a fondé la Liberté sur l’affranchissement de l’esprit, jusque-là lié par la chair, lié par le principe matériel de la double incarnation théologique et politique, sacerdotale et royale. Ce siècle, celui de l’esprit, abolit les dieux de chair, dans l’État, dans la religion, en sorte qu’il n’y eût plus d’idole, et qu’il n’y eût de Dieu que Dieu.

Et pourquoi des amis sincères de la Liberté ont-ils pactisé avec le parti de la tyrannie religieuse ? C’est parce qu’ils s’étaient réduits à une faible minorité. Ils ont été étonnés de leur petit nombre et n’ont osé repousser les avances d’un grand parti qui semblait s’offrir à eux.

Nos pères n’ont point agi ainsi. Ils ne se sont jamais comptés. Quand Voltaire enfant entra, sous Louis XIV même, dans la périlleuse carrière de la lutte religieuse, il paraissait être seul. Seul était Rousseau, au milieu du siècle, quand il osa, dans la dispute des chrétiens et des philosophes, poser le