Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/106

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d’armes, la foule les avait envahis ; c’est ce qui eut lieu particulièrement pour la maison et les jardins de Beaumarchais, à la porte Saint-Antoine. Le peuple se les fit ouvrir, les visita soigneusement, sans rien toucher ni rien prendre. Beaumarchais le raconte lui-même ; une femme seulement s’avisa de cueillir une fleur, et la foule voulait la jeter dans le bassin du jardin.

Il est superflu de dire que cette terrible mesure des visites domiciliaires fut très mal exécutée. L’opération, confiée à des mains ignorantes et maladroites, fut une œuvre de hasard, prodigieusement arbitraire ; elle varia infiniment dans les résultats. Plusieurs des commissaires croyaient devoir arrêter tout ce qu’ils trouvaient de personnes ayant signé la pétition royaliste contre le 20 juin. Les signataires étaient vingt mille. La Commune se hâta de déclarer qu’il fallait les élargir, qu’il avait suffi de les désarmer.

Deux choses étaient à craindre :

Les visites domiciliaires ayant ouvert à la masse des sectionnaires armés les hôtels des riches, leur ayant révélé un monde inconnu d’opulence et de jouissances, attisé leur convoitise, donnaient aux pauvres non pas l’envie du pillage, mais un redoublement de haine, de sombre fureur ; ils ne s’avouaient pas à eux-mêmes les sentiments divers qui les travaillaient, et croyaient ne haïr les riches que comme aristocrates, comme ennemis de la France. Grand péril pour l’ordre public. Si la terreur populaire n’avait circonscrit son objet, qui sait ce