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des Suisses et des autres prisonniers eut lieu tout près du tribunal, et l’audience fut à chaque instant interrompue par des cris. Rien, dans ces jours effroyables, ne fut plus hideux que ce rapprochement, ce mélange de la justice régulière et de la justice sommaire, ce spectacle de voir les juges tremblants sur leurs sièges continuer au tribunal des formalités inutiles, presser un vain simulacre de procès, lorsque l’accusé ne gardait nulle chance que d’être massacré le jour ou guillotiné le lendemain[1].

Tant qu’on tua ainsi des voleurs, des Suisses ou des prêtres, les massacreurs frappaient sans hésitation. La première difficulté vint, à l’Abbaye, de ce que plusieurs des prêtres qui vivaient encore, déclarèrent qu’ils voulaient bien mourir, mais qu’ils demandaient le temps de se confesser. La demande parut juste ; on leur accorda quelques heures.

Il restait à ce moment moins de monde à l’Abbaye. Outre le détachement envoyé de bonne heure aux Carmes, beaucoup, comme on vient de voir, travaillaient au Châtelet. On essaya (probablement vers sept heures du soir) d’organiser un tribunal à l’Abbaye, de sorte qu’on ne tuât plus indistinctement et qu’on épargnât quelques personnes. Ce tribunal eut en effet le bonheur de sauver un grand nombre d’individus. Faisons connaître l’homme qui forma le tribunal et le présida.

Il y avait au faubourg Saint-Antoine un personnage

  1. Nous rapportons ceci d’après la tradition. Il ne reste, je crois, aucune trace authentique du massacre de la Conciergerie.