Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/178

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Ils ne voulurent pas les prendre sans y être autorisés ; ils montèrent à la section dont le bureau siégeait à l’Abbaye même, demandèrent la permission de mettre à leurs pieds les souliers des morts. La chose ayant été obtenue facilement, l’appétit leur vint, et ils demandèrent davantage : des bons de vin à prendre chez les marchands pour soutenir les travailleurs et les animer à la besogne.

Les choses n’en restèrent pas là. À mesure qu’on s’étourdit, plusieurs se hasardèrent à voler des nippes. Un de ceux qui travaillèrent la nuit, le plus ardemment, dans ce sens, était un fripier du quai du Louvre, nommé Laforêt. Son horrible femme tuait aussi et volait effrontément ; c’étaient des pillards connus. Plus tard, au 31 mai, Laforêt se plaignit amèrement de ce qu’il n’y avait pas de pillage dans les maisons : « Dans un jour comme celui-ci, disait-il, j’aurais dû avoir au moins cinquante maisons pour ma part. »

Soit que Maillard ait trouvé que ces voleurs lui gâtaient son massacre et qu’il ait fait avertir la Commune, soit que, d’elle-même, elle ait voulu conserver une sorte de pureté à cette belle justice populaire, un de ses membres arriva vers minuit et demi à l’Abbaye, un homme de figure douce, en habit puce et petite perruque. C’était Billaud-Varennes. Il n’essaya pas d’arrêter le massacre ; l’exemple de Manuel, Dusaulx et des autres députés avertissait assez que la chose était impossible. Il insista seulement pour qu’on sauvât les dépouilles.