Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/182

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tenait au pouvoir. Elle tenait terrassée l’Assemblée, la presse et Paris. Le matin du 3, à sept heures, pour porter plus directement encore ce coup de terreur, elle envoya deux de ses commissaires chez l’homme le plus considérable de la presse, Brissot, sous prétexte de chercher dans ses papiers les preuves de la grande trahison, des rapports avec Brunswick, que Robespierre avait dénoncés le 1er et le 2 septembre. On savait qu’on ne trouverait rien, et l’on ne trouva rien en effet ; on ne voulait que faire peur, terrifier l’Assemblée, la briser sans la briser, tuer la presse et la faire taire. Ces deux effets furent produits. Nul journaliste ne pouvait se croire en sûreté, lorsque Brissot, un membre si considérable de l’Assemblée, était recherché, menacé chez lui. L’effrayante stupeur qui régna le 2 est visible dans les journaux qui furent rédigés dans la journée et parurent le lendemain, le surlendemain encore et les jours suivants. C’est là qu’il faut étudier ce phénomène physiologique, affreux, humiliant, la peur. Ces journalistes, plus tard, sont morts héroïquement ; pas un n’a montré de faiblesse. Eh bien, faut-il l’avouer ? Effet vraiment étonnant de cette fantasmagorie nocturne, de ce rêve épouvantable, de ces ruisseaux de sang qu’on se représentait coulant à la lueur des torches de l’Abbaye…, le 3, ils furent comme glacés ; ils n’osèrent pas même se taire ; ils bégayèrent dans leurs journaux, équivoquèrent, louèrent presque la terrible justice du peuple.