Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/212

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Ce grand homme, qu’on ne connaît guère que comme le sévère et irréprochable financier de la République, eut alors, et souvent depuis, dans les crises les plus orageuses, une rare originalité : l’héroïsme du bon sens, que rien ne faisait reculer. Il passa toute la Révolution, ferme et seul, et respecté. Il n’aimait pas la Gironde, il la défendit ; il n’aimait pas Robespierre, il le soutint au besoin. Et le jour où Robespierre, dans un dernier accès de rage dénonciatrice, alla jusqu’à toucher la probité de Cambon, il tomba frappé lui-même.

Cambon avait brisé la glace, il avait nommé de son nom la victoire de la Commune : une tyrannie, une résurrection de la royauté sous un autre nom. Le revirement fut très fort. Il arriva ce qu’on voit dans ces moments où personne n’ose parler : dès qu’un parle, tous se mettent à parler courageusement.

Les commissaires de l’Assemblée, envoyés par elle dans les sections, y furent reçus, contre toute attente, avec bonheur, avec transport. C’est que la foule était revenue aux assemblées des sections ; désertes le 2 et le 3, elles furent nombreuses le 4 ; chacun eut hâte de se presser autour des commissaires, de se rassurer, de croire qu’il y avait une France, une patrie, une humanité encore, un monde des vivants. Le peuple, en quelque sorte, se leva de ses profondeurs, sortit des ténèbres de la mort, pour embrasser, en ses représentants, l’image sacrée de la Loi. Les calomniateurs de l’Assemblée croyaient